J13 - La Distillerie Longueteau & La Pointe des Chateaux

jeudi 5 janvier 2012

 Jeudi 19 mai 2011, la fatigue commence enfin à se faire sentir. Nicolas se lève tard, nous n'avons, pour ainsi dire, rien à petit-déjeuner. Ayant oublié quelques affaires à Malendure, nous profiterons de cette journée pour refaire un saut sur la côte ouest et visiter l'une des distilleries de rhum de Basse-Terre (on est en Guadeloupe quand même !)


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Encore un Rhum - Soldat Louis

Notre première étape est la distillerie Longueteau, dernière distillerie à vapeur de l'île, dans laquelle tout est effectué à la main sur du matériel vétuste, jusqu'à la régulation de la pression dans la chaudière. Longueteau produit du rhum sous plusieurs appellations : Longueteau (France et Guadeloupe), Karukera (export), Karaib (Leader Price, moins vieilli), pour un total de 500.000L par an (fixé par quota).



De gauche à droite : les plantations de canner à sucre - la distillerie - la presse à droite, les cuves de jus distillé à gauche - ah bah oui ça a l'air moins appétissant d'un coup.

Dans la confection du rhum, la canne à sucre est récoltée au bout d'un an. Elle est tout d'abord pressée afin d'en extraire le jus. Ce jus fermente en cuve, est distillé (la cuve étant chauffée par le relicat de canne), ce qui donne le rhum brut (qui sort à 80%, plutôt bon d'ailleurs), que l'on mettra à vieillir en fût, une fois coupé. On estime à 12% la quantité de rhum qui s'évapore des fûts chaque année (contre 2 à 3% pour le cognac). Un rhum sorti du fût ne vieillit plus, au contraire d'un vin. Comme nous dira le vendeur de Longueteau, "quand on voit des bouteilles de rhum de 1963 à 400€ sur ebay c'est de la branlette, s'il a vieilli 3 ans, c'est un 3 ans et c'est tout..."


Une petite partie de la cave Longueteau

Nicolas, voyant une bouteille de rhum au bois bandé dans le magasin, demandera au vendeur si, je cite, ça fait de l'effet. Réponse immédiate "ben ouais, ici on en boit tous et après on fait partouze". Bon esprit, monsieur le vendeur :)

Après cette dégustation, nous reprenons la route de la Traversée en direction de Malendure où nous récupérons les affaires de Nicolas au gîte (où Guillaume s'est percé le pied avec du treillis soudé), et l'assiette du gâteau au club de plongée. Nous sommes d'ailleurs épatés de constater que nos moniteurs de plongée préférés ont pensé à garder une part de gâteau pour Olivier, l'autre moniteur de Nicolas.
Un petit passage par la plage où nous mangeons un dernier agoulou chez "Huguette et fils", puis nous prenons la route de la Traversée en sens inverse, avec un bref arrêt à la Cascade aux Écrevisses, un site touristique aménagé pour les handicapés (quand on repense à Acomat et à la Soufrière, on voit la différence).




On The Edge of a Cliff - The Streets

Dans notre lancée, nous continuons la tournée des plages de la côte Sud à partir de Sainte Anne : "Pointe Saline", peuplée de kite surfers, "plage qui défonce", parfaitement déserte, puis nous filons vers la pointe des Châteaux, à l'extrême est de Grande Terre.



La route qui longe l'anse Kahouanne est bordée de petits parkings donnant accès, en traversant quelques mètres d'une végétation dense, à de magnifiques petites anses orientées plein sud. Nous continuons la route et parvenons à la pointe des châteaux. Un vendeur de sorbets coco nous assaille mais "non non, on va attendre de se dépenser un peu, le sorbet ça se mérite".


Une petite anse déserte sur la route de la Pointe des Chateaux

La promenade est sympathique : nous longeons les petites salines, l'anse des châteaux et sa petite plage (la plus à l'Est de l'île), puis nous grimpons pendant quelques centaines de mètres jusqu'à atteindre une croix et son petit autel.



Vue sur les salines et la Pointe des Chateaux (la croix en haut à droite).

Le panorama est très joli mais il est malheureusement difficile d'en profiter sans qu'un touriste lambda ne se place devant notre objectif. Les guides nous disent que le coin a une allure de Finistère (et accessoirement que les bretons trouvent toujours une allure de Finistère aux jolis coins)... et ce n'est pas tout à fait faux. Mais la pointe des châteaux est juste très jolie, ce qui est parfaitement autosuffisant.


Vue depuis le haut de la Pointe.

En redescendant, le vendeur de sorbets coco (Alain, de son prénom) ne nous a pas oubliés. Nous passons donc un petit quart d'heure avec lui, il nous explique comment il fait son sorbet, d'où il vient, bref, nous passons un bon moment. Accessoirement, son sorbet est une tuerie !




Walk On The Wild Side - Lou Reed

Avant de rentrer, Nicolas tient tout particulièrement à se promener sur la face nord de la pointe des châteaux pour rejoindre l'anse Tarare (oui Nicolas, j'enjolive un peu, j'avoue :)), située juste à côté d'une plage "nudiste du haut" nous apprend le Routard.

Nous passons un bon moment à trouver le petit chemin qui va nous mener à l'anse Tarare, en admirant au passage quelques carcasses de voitures calcinées. En Bretagne, nous avons des calvaires au bord des routes. En Guadeloupe, ce sont des carcasses. Chacun son truc, les goûts et les couleurs... Aujourd'hui encore, même à grands renforts de googlemaps, j'ai du mal à savoir où nous nous sommes garés, ce qui résume assez bien notre sens de l'auto-géolocalisation. Nous nous garons devant un bar miteux et commençons à nous enfoncer dans la steppe / toundra / pampa locale (rayez les mentions inutiles).

Impossible de voir à plus de 5 mètres dans cette végétation. Lorsque les chemins divergent, nous décidons de demander notre chemin à un autochtone, que nous pourrions décrire comme étant un Pascal Légitimus vêtu de tennis, de soquettes blanches, d'un petit short "le Coq Sportif" modèle coupe du monde de football 1982 (celui fendu au dessus de la cuisse), et d'un petit débardeur moulant. Et là, comment vous décrire la scène... notre guide nous invite gentiment à le suivre, ramasse un bâton dans les fourrés pour écarter les ronces, et marche à nos côtés en portant le bâton à la verticale, tout en chantonnant d'un air guilleret un petit "laaaa lala la laaaaaaaaaa la !". J'ai un sourire jusqu'aux oreilles et me tourne vers Nicolas pour partager sa joie... mais Nicolas semble absent. Etonnant, il ne raterait pourtant pas une occasion pareille !

La route se prolonge et est ponctuée de bien jolies phrases :
(à Nicolas) "Oh mais dites-moi, les moustiques vous ont littéwalement dé-vo-wé !"
(à nous) "Suivez-bien les mawques jaunes en wentwant, ou vous wisquewiez de vous égawer..."

Inutile de vous le préciser, mon sourire ne me quitte pas ! Après avoir croisé quelques vaches sauvages dans la brousse locale, nous traversons une petite clairière dans laquelle siège une caravane. Notre guide se tourne dans sa direction et appelle un de ses amis :
- Bèweutwannnnnd !
(silence)
- Bèèèè-weuuuu-twannnnnd !

Bèreutrand sort de son trou, machette à la main, et nous suit pendant un moment. Si le fait de me faire guider dans la brousse par une folle ne me dérange pas plus que cela, l'idée de me faire coincer entre deux buissons par deux bêtes sauvages assoiffées de sexe et armées d'une machette (j'en rajoute à peine) ne m'enchante guère, mon intégrité anale étant ma principale préoccupation du moment.

Je garde donc un oeil sur Bèreutrand qui finit par s'éclipser. La sérénité revenant au beau fixe, notre guide nous propose pour la énième fois de le suivre à la plage :
P: Vous m'avez dit que vous vouliez aller où ?
X: À l'anse Tarare.
P: Ah oui, il y a une twès jolie plage juste à côté, vous n'avez pas envie d'y aller ?
X: Pas plus que ça non, Nicolas, tu en penses quoi ?
N: Oh ben non, pas plus que ça non plus, on voulait juste se promener le long de la côte.
P: Ah d'accow', d'accow'...

"Pascal" reviendra à la charge plusieurs fois, jusqu'à ce que nos routes se séparent, dans un adieu déchirant...

De l'anse Tarare, nous ne verrons pas grand chose, une averse (la première des vacances !) ayant décidé de nous surprendre alors même que nous mettions le pied sur le sable. Marche arrière à travers la végétation, donc, en essayant de suivre les marques jaunes. Le retour n'est pas forcément évident, nous nous y prendrons à plusieurs fois pour retrouver notre route.

En arrivant sur le parking, il fait un peu sombre et seule une voiture est garée, en dehors de la nôtre. Les trois hommes qui se tiennent près d'elle nous dévisagent des pieds à la tête. Quelques minutes plus tard, dans la voiture, Nicolas me confiera :
- C'est assez glauque comme parking, non ? Les trois mecs qui nous regardaient bizarrement, là...
- Ben c'est assez glauque depuis le début, quand même. La folle qui nous sert de guide, son pote avec la machette...
- Ouais il était bizarre le mec, j'avoue.
- Euh Nico, il n'était pas que bizarre, il voulait à tout prix qu'on aille avec lui sur une plage nudiste qui a quand même vachement plus l'air d'une plage "traquenard viril" qu'une plage nudiste !
- Oh putaaaaaain ! Mais je suis trop con moi, je n'avais rien capté !

Nous passons alors en revue notre escapade, la rencontre avec Bèreutrand, les trois mecs bizarres du parking... et concluons que finalement, malgré la pluie, la journée se termine plutôt bien.

Que d'émotions, il est temps de retourner à Sainte-Anne pour trouver un petit poulet boucané. Faute de mieux, nous nous arrêtons dans une boutique Digicel pour demander à la vendeuse, Estelle de son petit prénom, qui fait le meilleur poulet boucané de Sainte Anne. "Oh allez voir mon ami Eric, à deux pas, il fait du super poulet, je vous le conseille avec la sauce barbecue". Soit, nous allons voir Eric, nous faisons les présentations et Eric nous redirige vers Ti Pla An Nou, le meilleur poulet boucané de Sainte Anne. Sympa, de nous rediriger vers la concurrence.


Dangerous - Michael Jackson

Nous prenons donc une petite ruelle vide, sans réussir à trouver le restaurant. Nicolas demande à un passant
- On veut du poulet boucané
- Des bananes braisées ?
- Non, du poulet boucané, ça s'appelle Ti quelque chose
- Ti... sane ? (dit-il avec le plus grand sérieux)
- Ah si c'était une blague ce serait super drôle !
Les deux continuent à parler pendant qu'un mec louche avec une machette s'approche de moi
- Vous cherchez quoi ?
- Un poulet boucané
- C'est de l'autre côté viens avec moi je vais te montrer
- Tu veux m'emmener où ?
- Là-bas, à côté de King Pizza
- Non on en vient, c'est lui qui nous envoie ici
- Non mais c'est un autre, donne-moi ton argent
- Hein ? Euh non, je n'ai pas de monnaie
- Et ton pote, il en a ?
- Non plus
- Vous faites quoi alors ?
- On cherche un poulet
- Ben alors vous avez de l'argent
- Non j'ai une carte
- Ben je t'emmène au distributeur et tu me donnes ton argent
- Non, j'en ai ras le cul de me faire taxer par des mecs tous les jours
Le gars se barre sans rien demander, ça devait être un gentil, on va dire. WTF!?

Nicolas et moi finissons par trouver le restaurant, ouvert dès 18h. Il est 18h15, c'est fermé, nous retournons donc chez Eric le vendeur de poulet (qui vient de Thorigné, à 5km de Rennes) en nous arrêtant dans une superette pour faire quelques courses. "Je vous ai déjà vus, non ?" s'inquiète la vendeuse. "Vous étiez là ce matin, en costume cravate !". "Non, mais on nous a déjà dit que tous les beaux garçons se ressemblaient".

Nous arrivons chez Eric, discutons le bout de gras, rencontrons un policier de la police aux frontières (métropolitain) qui nous apprend que l'homme à la machette est le plus grand voleur de Sainte Anne et qui nous parle des autres petites frappes de la ville.
"Tu vois le mec là-bas avec son bonnet rouge ? J'lui fous une claque, j'le tue".
Nous profitons d'avoir un gars de la PAF avec nous pour lui poser des questions sur la quantité de rhum à ramener
- Ah ben c'est un litre par personne
- Hein ? Mais le vendeur nous a dit 10 !
- Ouais ben 1 litre, mais le mieux c'est un cubi de 5 dans la valise et un autre dans la main, acheté en duty free !

Il va falloir qu'on m'explique des trucs, là, j'ai du mal à comprendre. Nous commandons finalement notre poulet sauce barbecue.
- franchement ce n'est pas top la sauce barbecue
- ben c'est Estelle qui nous a dit, hein
- ouais ben Estelle elle est bien gentille mais elle n'a pas toutes les bonnes réponses... Hé mais à peine arrivés vous connaissez le prénom d'Estelle ? Il va falloir que je prévienne les filles d'ici qu'il y a deux dragueurs en ville !

Tout de suite... Bref, nous repartirons avec un poulet sauce créole/jus de cuisson et un énorme sac de frites. Nous en viendrons à bout avec peine, mais la véritable épreuve consistera à trouver un endroit où ranger les déchêts, sans poubelle, pour que les rats et les chats ne viennent pas tout déchiqueter... Si vous n'avez jamais stocké une poubelle au frigo, c'est à essayer.



Poulet fini, Nicolas exige (à juste titre) une place dans la moustiquaire pour ne pas se faire bouffer une nuit de plus. Nous finirons donc la soirée dans notre petit lit en regardant The Big Lebowski. Il devait y avoir un côté ridicule à la scène, heureusement il n'y a pas de témoin ;)


Et Demain !?

Demain ce sera notre dernier jour complet en Guadeloupe. Au programme, sable blanc, eau turquoise, cocotiers et paradis terrestres. Tout simplement !