20 000 lieues sous le Golfe Saronique - Part II

lundi 19 novembre 2012

Suite du billet posté ici.


J4 - Sur le chemin du retour

Lever aux aurores aujourd'hui pour apprécier le lever de soleil sur Spetses. Je n'ose même pas imaginer ce à quoi doit ressembler le port et la ville en plein mois de juillet. Après quelques courses rapides et un ravitaillement en eau sur le continent, nous reprenons doucement le chemin du retour: l'idée est de profiter du calme maritime pour parcourir le plus de chemin possible en direction d'Athènes et trouver un chouette coin au calme où passer les derniers jours.



Et notre mouillage pour la nuit au sud d'Hydra




J5 et J6 - Egine


Pour nos 3 derniers jours dans le golfe, Fred jettera son dévolu sur une petite crique isolée de l'île d'Egine, à 30kms au sud d'Athènes. Même si les plongées s'enchaînent, que je suis plutôt à l'aise et que ma technique s'améliore très nettement, je n'arrive pas à franchir la barre fatidique des 30m. Will descends avec moi pour m'aider à sortir de ma zone de confort... mais même sans profondimètre au poignet, je tourne toujours à la même profondeur: 29m. Ah le cerveau humain, quelle belle protection contre soi-même!


Autour d'Egine - petite session de stretch avant de se mettre à l'eau.

Alors que certains bouquinent au soleil pendant leurs quartiers libres, nos deux apnéistes de choc rechaussent les palmes et chargent l'arbalète, bien décidés à redorer leurs réputations de fines gâchettes. Après une bonne heure à la poursuite de mérous malins entre 30 et 50m, Will fléchera quand même une petite liche et un petit mérou (30cm) sous le bateau... pour l'honneur, on va dire. 2 constatations cela dit: Fred cuisine super bien - le mérou c'est vachement bon (mais vachement protégé en France, donc ne prévoyez pas d'en manger samedi prochain).


Will et Fred dans "Pas de pitié pour les poissons".


J7 - 111ft (34m)


La dernière session technique du trip est dédiée aux tentatives de PB (Personal Best soit record personnel). Avec 29m, le mien a déjà été dépassé mais Fred est convaincu que je peux aller plus loin. Après avoir essayé la méthode douce (mise en confiance, relaxation...), c'est le moment de passer à la méthode forte: pas question que je reste dans ma zone de confort aujourd'hui - il est temps que je me sorte les doigts du cul! Will m'attendra à 31m et si je veux goûter au meilleur burger d'Athènes ce soir, j'ai intérêt à l'y rejoindre. En guise de warm-up, 2 statiques à 10m jusqu'au premier spasme puis c'est showtime!

Sans aucun stress je prends une dernière bouffée d'air et c'est parti pour une descente dans le Grand Bleu. Les premiers mètres sont délicats: il faut fournir juste assez d'effort pour vaincre la flottabilité de la combinaison sans dépenser trop d'oxygène ni perdre son état de relaxation. Même si le volume de mes poumons a été divisé par 3, c'est autour de 15m que les meilleures sensations commencent: la pression de l'eau au-dessus de moi est telle, que je suis littéralement happé par le fond de plus en plus vite, et sans le moindre effort. C'est ce qu'on appelle le free-fall (la chute libre): moment jouissif de glisse à l'état pur! D'ailleurs Guillaume Nery en parle beaucoup mieux que moi dans sa sublime vidéo tournée aux Bahamas:



"Tiens, salut Will qu'est ce que tu fais là ? Si ça ne te dérange pas, je vais continuer encore un peu plus bas moi". (Mal)heureusement les oreilles sont là pour jouer les trouble-fêtes et nous ramener à la réalité. À 30m, les poumons ressemblent à des pamplemousses et il devient difficile d'y puiser de l'air pour les envoyer dans les oreilles. C'est ce qu'on appelle la compensation: sans ça, les tympans se percent et l'eau rentre dans la bouche (sans parler de la douleur atroce). Cela dit, c'est maintenant que le plus dur est à faire: tout ce qu'on vient de descendre, il faut le remonter à la force des jambes et s'arracher à cette attraction qui nous tire vers le fond. Lutter contre l'envie de respirer, peser le moindre geste pour économiser le peu d'oxygène qu'il reste, gagner la surface et respirer de nouveau... Tout ça pour quelques secondes d'évasion avec soi-même... mais ça en valait le coup. Petit coup d’œil sur le profondimètre: 34m pour une immersion d'à peine 2mn. Le sourire jusqu'aux oreilles, j'en connais un qui va bien manger ce soir...


Sur le chemin du retour, à l'économie - studio photo insolite à 20m de fonds.

Après toutes ces émotions, il est temps de reprendre le chemin du continent et de raccrocher avec la vie normale : on lace les chaussures, on range les maillots de bain et on rallume les téléphones portables. Encore deux jours sur place avant de retrouver les 9° de notre beau pays. Avant cela, chose promise, chose due:


Une horde de burgers - glace vanille et coca: la mixture de Will (sont bizarres ces canadiens).


J8 - Athènes

Pour ma première fois en Grèce continentale, hors de question de repartir sans avoir au moins visité les principaux sites d'Athènes: l'Acropole et son musée, l'Agora... Bref, faire le plein de vieilles pierres et en profiter pour se ré-accoutumer à la terre ferme.

L'ancien théâtre au pied de l'Acropole.

Le Parthénon et l'Erechthéion.

Vue sur Athènes depuis l'Acropole.

20 000 lieues sous le Golfe Saronique - Part I

dimanche 18 novembre 2012

Et voila, c'était inévitable mais c'est désormais officiel: j'ai plus d'un an de retard sur ce blog ! Où sont donc les récits de nos galères de Malaisie, la génèse du court métrage que nous avons tourné avec Alain Chabat (si si!), nos impressions après la visite de Tchernobyl ou encore les photos des plages paradisiaques de Thaïlande? Depuis plus d'un an, les petits carnets de route que je tiens à jour scrupuleusement à chaque fois que je monte dans un avion, s'entassent et s’empoussièrent sur mon bureau... Et, il est temps que ça cesse! D'ailleurs, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je vais plutôt commencer par la fin pour me faciliter un peu la tache et la mémoire: cette fin commence par la Grèce du 6 au 14 octobre dernier.


Sail Away - Kill The Young

En règle générale, je ne suis pas client des voyages organisés: jouer les moutons au milieu d'un énorme troupeau et brouter l'herbe des sentiers battus et rebattus, très peu pour moi! Mais lorsque les Gentils Organisateurs sont deux champions du monde d'apnée et que le cheptel n'est que de 6 personnes, il faut savoir mettre ses principes de côté!

6 octobre 2012. Alors que tout le monde à Paris sort ses affaires d'hiver du placard, j'embarque pour Athènes, son été indien (31° dans l'air, 26° dans l'eau) et ses îles perdues. Mon hôtel pour les 7 prochains jours, s'appelle Carmen. 5 chambres dans le plus beau quartier d’Athènes : la Méditerranée! En effet, Carmen est le nom du voilier de 16m sur lequel nous passerons les 7 prochains jours au gré du vent et de nos envies.


Carmen vue de dehors - vue de dedans.

Pas vraiment ambiance croisière Costa si vous voyez ce que je veux dire! À bord les tongs sont remplacées par des palmes à longues voilures, les paréos par des combis en néoprène et les vieux beaufs par des afficionados du Grand Bleu, motivés, bien entraînés et venus vérifier jusqu'où on peut aller avec une seule inspiration.

Aux commandes de ce joyeux bordel, les capitaines Frederic Buyle et William Winram... Les adjectifs affluent pour qualifier ces deux énergumènes: sportifs de haut niveau évidemment mais aussi, blagueurs, têtes brulés, méga-gourmands, hilarants, aquatiques... Quand ces deux là ne sont pas dans l'eau, c'est qu'ils sont en train de manger. S'ils ne sont pas en train de manger c'est qu'ils sont en train de raconter des conneries... Et parfois les trois en même temps. Bref, si vous pensiez que les apnéistes de haut niveau étaient des yogis chaussés de palmes surveillant leur alimentation au glucide près, Fred & Will ne peuvent pas en être plus éloignés... pour notre plus grand bonheur d'ailleurs. Cela dit, ça n’empêche pas les cocos de retenir leur souffle plus de 6min ou de descendre à plus de 100m de profondeur...

En plus d'être des champions accomplis, comme si ça ne suffisait pas, les deux inséparables sillonnent les mers du monde en apnée pour aider les chercheurs à préserver et mieux comprendre les requins: des bouledogues de la Réunion aux grands blancs du Mexique en passant pas les tigres d'Afrique du Sud...


Fred Buyle et un requin-tigre © W. Winram - Will Winram en compagnie d'un grand blanc © F. Buyle (oui en plus ces gens là sont d'excellents photographes).


Breathing Underwater - Metric

Le programme des journées est simple: après un rapide petit déjeuner, tout le monde à l'eau pour 2h de technique de poids constant, spécialité de Fred et Will et qui consiste à descendre verticalement le plus profond possible à la seule force des palmes. Après quelques heures voiles au vent d'îles en îles pour trouver la petite crique idéale où mouiller, les aprem sont dédiées à la détente, les ballades dans l'eau ou la recherche du repas du soir pour les plus flècheurs d'entre nous (pas très fructueuses d'ailleurs, heureusement qu'on avait fait des courses avant quand même).


Afficher Greece 2012 sur une carte plus grande

Le soir, c'est ambiance partage de tranches de vie et soirée diapo avec nos hôtes : les compétitions, les records du monde, les voyages, les tournages de documentaire et les vidéos des rencontres magiques avec tous les géants de la mer : du ballet avec un baleineau en Polynésie à la nage accrochée à l'aileron d'un grand blanc curieux au Mexique. On est loin du cliché d'animal sanguinaire que le requin se traîne depuis Les Dents de la Mer... Ça donne même envie de les rencontrer avant qu'ils ne disparaissent pour de bon, comme le prédit Fred. Bref, ces mecs là font certainement le meilleur métier du monde!


J1 - Le 9ème passager

Samedi 06 octobre 2012, 12h00. Après avoir fait connaissance, quelques courses et pris nos quartiers, il est temps de larguer les amarres pour rejoindre l'ïle de Poros à une 50taine de kilomètres d'Athènes. Alors que nous sommes en plein milieu de nulle part, portés par le vent, un objet volant non-identifié fond sur nous et se pose comme une fleur à quelques mètres de la proue du bateau : un Schtroumpf!! Wtf!? La terre la plus proche est à 20km d'ici, pas de bateau à l'horizon... On se croirait dans The Twilight Zone, il ne manque plus que la musique...


Départ d'Athènes - Le 9ème passager - Arrivée à Poros: petite baignade rapide et au dodo


J2 - Hydra

Première nuit sur un voilier. Finalement on s'habitue assez rapidement au bercement des vagues et à la vie sur le bateau: économiser l'eau, rester pieds nus toute la journée, dormir suspendus dans 1,90m² de banquette, faire la vaisselle à l'eau de mer, vivre sans internet et sans réseaux téléphoniques... Il y a des prises électriques à bord, mais j'ai pris la résolution de vivre sans pendant toute la semaine!

Après une première session technique pour juger du niveau de chacun, cap vers Hydra, ses jolies criques et ses fonds calcaires à quelques 40kms au sud.


Notre point de chute sur Hydra pour l'après-midi et la soirée.

Morceaux choisis:


La crique vue du sentier - Cours d'escalade sous-marine - Petit aperçu de la cabine.


J3 - Spetses

Nouvelle session technique pour le réveil. Au lieu de chercher à toucher le fonds, on travaille plutôt sur la relaxation à faible profondeur: rester 2-3min entre 3-5m pour se concentrer sur les sensations. Le périple se poursuit vers la jolie île de Spetses. Fred y ayant vécu quelques temps, on fait un petit détour par le sud de l'île pour visiter une grotte digne de Pirate des Caraïbes - les côtes étant trop dangereuses, pas question de jeter l'ancre : tout le monde à l'eau pour rejoindre la grotte à la nage pendant que Will tourne avec le bateau. Même punition pour le retour.


Petite session zen dans le bleu - entrée de la grotte - jeux de lumières à l'intérieur

Pour se récompenser de tant d'efforts, nous passerons la nuit et dînerons dans le port de Spetses, à s'en faire péter le bide. L'occasion de constater que les athlètes de haut-niveau ont des estomacs sans fonds.


Tu vois une place de parking Will ? - Spécialités grecques et apnéistes.


Et demain!?

Demain, on continue de se laisser porter par le vent et entamons le chemin du retour.