Arcade Fire - Olympia 2007

mercredi 28 mars 2007

Queen à Wembley en 86, Pink Floyd à Berlin en 89... Il y a des concerts qui ont marqué d'un trait blanc l'histoire du rock'n'roll. Tout mélomane digne de ce nom en a vécu un, un jour, par substitution : retransmis dans un tube cathodique, narré par un proche, ou encore à l'écoute d'un vinyl poussiéreux...

Malgré cette expérience indirecte, ils ont, pour la plupart, eu l'impression de faire parti du public, d'effleurer du bout des tympans ce moment de grâce unique, de vibrer. Alors imaginez ce qu'on peut ressentir quand on le vit en direct !

Combien de fois me suis je demandé une pointe d'amertume au cœur : "Pourquoi ne suis je pas né 20ans plus tôt ? Pourquoi je n'y étais pas ?"... Depuis une semaine, je sais que je ne me poserai plus la question car je pourrai maintenant dire avec fierté "J'y étais !". Je pourrai, à mon tour, narrer à d'envieuses petites oreilles ce concert d'Arcade Fire à l'Olympia du 19 janvier 2007.

Children Don't Grow Up

Après une semaine d'hésitation, je suis encore tiraillé entre deux sentiments contradictoires. Le premier correspond au plaisir égoïste de garder la review de ce concert pour moi. Comme un enfant qui dissimule ses bonbons pour être le seul à en profiter. Le second est celui qui m'habite à chaque fois que j'écris quelques lignes ici : contaminer les gens avec mon enthousiasme, éveiller leur curiosité et leur donner envie !

D'ailleurs les récents "Nico, en lisant ton blog, tu nous as donné envie de visiter Prague : on y part le mois prochain !" sont parmi ces rares phrases qui me scotchent aux lèvres un sourire béat toute une journée ! Alors me dire que mon bulletin et mon obsession passionnelle soudaine pour ce groupe vous a donné envie de prêter votre oreille à Arcade Fire en serai une autre... A bon entendeur.

Quoiqu'il en soit, pour contenter les deux petites voix qui n'arrivent pas à se mettre d'accord dans mon crâne, je vais opter pour un compromis : suffisamment pour vous donner envie, juste assez pour garder sauvage une partie de mon jardin secret arcadefirien.

They TurnThe Summer Into Dust

Pour ne rien gâcher au plaisir de la soirée, la première partie avait été choisie avec soin. Chargées de préparer le public à l'uppercut de leurs grands frères, les petites Electrelane n'ont pas faillies. Certes, la machinerie a mis du temps à se lancer : les demoiselles, tel un moteur diésel, ont dû faire quelques tours de chauffe avant de se mettre le public dans la poche.

Des chansons des 4 albums y passent pour le plus grand plaisir d'un public agréablement réceptif. Les morceaux sont majoritairement instrumentaux dans la lignée de Mogwaï : montée en puissance progressive jusqu'à l'explosion où les 4 jeunes filles entrent littéralement en transe et se débarrassent de leurs inhibitions. Elles portent bien leur nom, leur prestation est littéralement électrique.

Mention spéciale à la guitariste, Mia Clarke, on ne peut plus rock'n'roll qui a obtenu à l'issue de son frottement de guitare contre son ampli, le titre ô combien flatteur de femme de ma vie. Ni plus ni moins (d'ailleurs si quelqu'un veux bien la mettre au courant histoire de fixer une date pour le mariage).

Au terme 40 minutes de set crescendo, les lumières se rallument laissant le public sur sa faim. Mission accomplie. A cela s'ajoutent 20 minutes d'entracte très sixties offertes par l'Olympia qui deviennent péniblement 40 minutes d'attente. Aretha Franklin a beau avoir les mêmes initiales, personne ne s'y méprend, tout le monde s'impatiente.

Our Hearts Get Torn Up

Sans crier gare, les lumières s'éteignent enfin : la tension et l'attention n'en croient subitement ! Tous scrutent frénétiquement la scène, espérant secrètement et ridiculement être le premier de l'assemblée à voir le groupe. Qui est pris qui croyait prendre, c'est le groupe qui nous verra en premier.

Première leçon d'un talent sans limites, le groupe s'offre une entrée magistrale complètement improvisée par l'entrée du public. Armé d'aucune autre amplification que celle d'un mégaphone Win et ses acolytes se hissent jusqu'au milieu de la fosse sous le regard émerveillé des fans et entament une version unplugged de Wake up...

L'Olympia vibre sur le rythme de la chanson. L'Olympia vibre sous les "ouh oh oh" de 1500 personnes. Je vibre d'émotion. Magistral, grandiose, inoubliable... tous les superlatifs sont de rigueur.

Alors que le public est captivé par le centre de la fosse, Jeremy, le batteur en profite pour se glisser sur scène et s'entreprend à marteler une grosse caisse laissée là. Il est ensuite rejoint par un nouveau luron du groupe et se lancent dans une version canon des couplets.

Le public encore une fois fait un parcours sans fautes, conscient d'assister à un moment rare : pas de groupies hystériques, seulement des gens respectueux et soucieux de voir le groupe dans les meilleurs conditions pour jouer, lui laissant son espace vital.

Par la suite, on apprendra que le groupe, en collaboration avec une équipe de tournage, ont décidé quelques minutes avant d'entrer sur scène, de changer la setlist initiale et de commencer de cette manière quelque peu inédite. En backstage, avant de monter sur scène, ils honorent la caméra de concertaemporter.com d'une émouvante version de Neon Bible tournée dans un monte charge. Mythique. Et comme les images parlent toujours mieux que les mots :


#41 - Arcade Fire - Neon Bible & Wake Up
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You'd Better Look Out Below

Je pourrai évidemment vous raconter comment ces 10 canadiens armés de violon, d'orgue, d'accordéon et d'autres instruments aussi peu conventionnels, ont ensuite réussit à créer le meilleur concert auquel j'ai pu assister jusqu'à aujourd'hui, mais je ne le ferai pas. Pas l'envie mais surtout la crainte que mes mots tachent et imagent d'une mauvaise manière la si belle réalité, qu'ils ne soient pas à la hauteur. Pas à la hauteur de la prestation, pas à la hauteur du génie, de l'inventivité, de la grâce...

Malgré le fait que nous étions 1500 ce soir là, pas un instant je n'ai cessé de ressentir cet espèce de lien unique entre le groupe et chaque personne de la salle. C'est comme si ils avaient réussit à expurger du plus profond de chacun une sensation que l'on savait tous présent en nous, mais que nous n'avions jamais pu faire sortir avant. Le bonheur dans son sens le plus brut. On en redemanderait.

Et c'est ce qu'on a fait... 1h40 de concert et 16 chansons plus tard, on en redemande. Les roadies s'affairent déjà à tout ranger, l'ingé son a quitté la régie, la moitié de la salle a quitté les lieux, mais nous on n'en a pas finit. L'obsession finit par payer car 20 minutes plus tard, visiblement ému et décontenancé, le groupe revient. Ils sont changés, certains douchés mais clairement décidé à exaucer notre dernier souhait. Après une petite concertation, tout le staff est rappelé à l'ordre, on rebranche les jacks, on rallume les amplis, on éteint de nouveau les lumières. Deuxième leçon, les doigts vers le ciel, on attend que la règle en bois leur retombe dessus. Qu'est ce que c'est bon.

Régine se saisit du micro. Je devine In The Back Seat. La version live est mille fois mieux que je n'aurait pu l'imaginer. Il n'en faudra pas plus pour me tirer un début de larmes. Il n'en faudra pas plus pour en tirer à Régine aussi. La plupart des textes sont tirés d'expériences très douloureuses (décès de proches), et même après des centaines de représentations, les émotions ne peuvent être contenues.

Même en écrivant ces lignes, la vidéo de Wake up sous les yeux, j'ai du mal à contenir les miennes. J'y étais...