Monkey : Journey To The West

samedi 13 octobre 2007

Cette histoire commence un beau jour de juillet dans les couloirs du métro parisien : un jeune homme se hâte dans l'espoir fou d'être à l'heure à Montparnasse afin de ne pas louper son train. Malgré une concentration à toute épreuve afin d'anticiper les meilleurs trajectoires à adopter au milieu de cette foule dense, et gagner un temps précieux, son esprit se fait happer par une affiche illustrée qui lui laisse un petit goût de déjà vu.

19-2000

Plus curieux que raisonnable, il s'arrête. Le train attendra, "au pire je courrais" se dit-il, "mais avant tout il faut que je sache". Il ne connait pas les personnages de l'illustration mais reconnait sans hésitation le style de l'illustrateur auquel il voue un profond culte depuis son adolescence. Des images pleines de nostalgie lui reviennent alors: un bureau de tabac de l'Hampshire, sa grand-mère qui lui propose de choisir un magazine, la claque qu'il a prit en voyant pour la première foisla trèspolitiquement incorrecte Tank Girl et son petit ami de kangourou anarchiste... Euh... Je m'égare on dirait ! Où en étais-je déjà ? Ah oui, voilà :

Que fait donc une immense affiche dessinée par Jamie Hewlett dans les couloirs du métro parisien ? Je ravale ma question sur le pas (oui, c'est de moi dont je parlais... mais j'ai du mal à tenir le style narratif, je me fais penser à Alain Delon) : comment puis-je encore être étonné par Sir Hewlett, l'artiste qui est toujours au coeur des projets les plus improbables ? Entre deux tomes de Tank Girl bottant le cul à Diana pour lui voler son diadème (véridique), on aura pu apercevoir le coup de crayon du monsieur sur les artworks des albums de Pulp ou Elastica dans les années 90 (rhaa Pulp...).

Encore plus fort, en 2001, au terme d'une soirée un peu arrosée avec son colocataire, il crée le premier groupe virtuel de musique : Gorillaz. L'un mélange les styles et compose (à savoir Damon Albarn, frontman de Blur), tandis que l'autre créé une identité visuelle au projet. Carton immédiat, des millions d'albums vendus et desconcertsanthologiques au compte-goutte où se côtoient dessin-animés grandioses et ombres chinoises de musiciens derrière d'immenses rideaux.
Est ce de Gorillaz dont il s'agit sur cette affiche ? L'affiche titre "Monkey : Journey To The West" et le personnage central a des faux airs de primate. Pourtant, le groupe sont censés avoir splitté le mois dernier et aucun des personnages dessinés ne ressemble à Noodle ou à Murdoc. Après un examen attentif, d'autres mots s'extraient pour renforcer encore un peu le mystère: opéra en chinois, acrobates et artistes de cirque, "par les créateurs de Gorillaz"...
Il ne m'en faudra pas plus : je saute de justesse dans mon train, appelle ma douce pour convenir d'une date entre le 29 septembre et le 13 octobre et quelques heures plus tard je sors souriant de la Fnac de Rennes, 2 sésames à la main. Reste plus qu'à attendre le 5 octobre.

Feel Good Inc.





Vendredi 5 octobre à 19h40. Une petite foule attend déjà devant les portes, customisées pour l'occasion, dusuperbe Théâtre du Chatelet dans le 1er arrondissement à Paris. Le matin même, j'avais lu un article sur la volonté de l'établissement d'hétérogènéiser leur public et de démontrer que l'opéra n'est pas un loisir réservé à une quelconque élite. Aux vues de la file d'attente, le pari est réussit : jeunes étudiants curieux et novices côtoient bourgeois et dirigeants manifestement agguéris des lieux.
L'intérieur du théâtre vaut lui aussi le déplacement : l'aménagement et l'architecture sont dans le plus pur style renaissance italienne, noyés dans une ambiance rouge sombre et or de très bon goût : le cadre idéal pour une soirée comme celle-ci.
20h00. Un programme à la main ("Demandeeeez le prograaaame !"), nous rejoignons nos places au balcon, impatients de savoir quel goût aura le cocktail de ce soir. Pendant plusieurs semaines, alors que le buzz montait petit à petit et que les représentations affichaient les unes après les autres complet, j'ai fait mon maximum pour ne pas trop en apprendre sur le contenu de la soirée. Ma seule certitude, pêchée dans les Inrocks de septembre : c'est énorme !

Demon Days

20h30. Les lumières s'éteignent, le spectacle s'allume littéralement. Une séquence animée,dans le plus pur style Hewlett, envahie le rideau-écran encore baissé. Elle est rapidement rejointe par l'orchestre d'une soixantaire de musiciens situés en contrebas de la scène. La musique a exactement le goût que j'avais imaginé : les mélodies piano pop à la Blur se mélangent aux sonorités asiatiques, le tout à la sauce opéra. Délicieux.

Un oeuf géant apparait sur l'ecran, dévale de la montagne sur laquelle il était perché et se casse pour en laisser surgir un singe pour le moins hargneux. Le narrateur, en chinois (le tout est sous titré en haut de la scène), nous présente Monkey, roi singe qui veut devenir l'égal de Bouddah par tous les moyens.
Inspiré de l'un des mythes fondateurs de la civilisation chinoise et divisé en neuf tableaux, cet opéra-pop est la rencontre entre les arts traditionnels Chinois et la culture contemporaine occidentale : plus de 70 artistes chinois sur scène (acrobates, chanteurs d'opéra chinois, interprètes d'arts martiaux.) au rythme de la musique composée par Damon Albarn et dans les décors et les costumes de Jamie Hewlett. L'adaptation et la mise en scène de ce spectacle, qui mêle aventures et magie pour décrire les pérégrinations du roi singe en quête de la sagesse, sont assurées par Chen Shi-Zheng, dont le travail est mondialement connu. Le tout est enfin complété de scènes animées réalisées par Jamie qui, par de savants jeux de rideaux, s'intègrent dans les décors ou permettent de faire de superbes transitions entre les actes.

Comme des images parlent toujours mieux que les mots, voici deux petites vidéos retranscrivant la magie du spectacle :


Monkey:journey to the west
envoyé par Kmilleg

DLR de France 3 IDF avec Monkey Journey...
envoyé par France3Paris

Et enfin quelques photos trouvées ici et là du spectacle :




November has come

Le retour en Occident s'est fait deux heures plus tard, des sourires d'enfants au coin des lèvres, du charabia rythmé pseudo chinois entre ces mêmes lèvres. Je dois reconnaître que j'attendais énormément de ce spectacle, mais que malgré tout, ce dernier était largement au-dessus de ce que j'avais pu imaginer. Mise en scène soignée, pointes d'humour, costumes et décors made in Gorillaz, une musique épicée réunissant deux antipodes et surtout des artistes chinois époustoufflants de perfection et de maîtrise ; tant au niveau vocal que physique. Encore une fois Albarn joue les audacieux et ça paye. Et ce ne sont pas les applaudissement chaleureux de toute la salle debout qui diront le contraire.

Ce soir aura lieu, la dernière représentation à Paris en présence des 3 créateurs du projet. Je vous dirai bien d'y courir mais celle ci affiche Sold Out depuis plusieurs mois. Les seules solutions sontde suivre la troupe à Berlin le mois prochain ou alors d'attendre que les créateurs d'un groupe virtuel s'associent avec un metteur un scène doué, réadaptent avec génie une ancienne légende et la jouent à Paris... Peut-être dans une autre vie...

1 commentaires:

A-C a dit…

Plutôt d'accord avec ce roman de vie :)

De plus, j'aime beaucoup le chat(chou) empreint de gratitude...